L’essor du travail indépendant en France est aujourd’hui une réalité peu contestable. Toutes les statistiques convergent dans le même sens. Les indépendants sont de plus en plus nombreux et leur profil évolue, comme le résumait très bien France Stratégie dans une note d’analyse de 2017 : « Salarié ou indépendant : une question de métiers ? ».
« Il était agriculteur ou patron de restaurant il y a trente ans.
Aujourd’hui, il est graphiste, formateur ou électricien.
Le visage de l’indépendant a changé. »
De plus en plus de métiers peuvent être exercés en Freelance. Côté entreprise, la recherche de flexibilité pour faire face à des retournements économiques de moins en moins prévisibles et le besoin de compétences pointues et de réactivité plaident pour le recours aux freelances. L’organisation du travail en mode projet et le développement massif du télétravail tend à faire sauter les dernières barrières.
Les entreprises ne pourront bientôt plus occulter ces mutations et elles vont devoir s’y préparer.
Quelques statistiques pour la France :
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- 2 millions d’indépendants à leur compte sans salarié en 2020 selon Eurostat ;
- 1 million de travailleurs indépendants exerçant une activité de service et/ou de prestation intellectuelle (on n’est pas loin de la définition d’un freelance non 😉?) en 2021. Chiffre en progression de 92 % depuis 2009 selon la dernière étude Malt sur le freelancing en Europe.
- Près d’un million de créations d’entreprises en 2021 dont près de ¾ sont des entreprises individuelles ou des sociétés unipersonnelles.
Comment faire appel à des freelances ? Où trouver les bons freelances ? Force est de constater aujourd’hui que toutes les entreprises n’ont pas le même degré de maturité sur ces sujets. Pour certaines, la mécanique est déjà bien rodée, ces questions sont gérées par le service Achats et encadrées par des accords-cadres signés avec deux ou trois prestataires de services. Mais pour bon nombre d’entreprises, et notamment les TPE/PME, faire appel à un indépendant relève d’un véritable casse-tête.
Nous allons vous présenter, dans une série d’articles, les différents moyens de recruter des freelances.
Au menu de ce premier épisode : les plateformes numériques.
Les plateformes numériques : une alternative aux ESN ?
Pendant longtemps, les Entreprises de Services du Numériques (ESN), ou anciennement Sociétés de Service et d’Ingénierie Informatique (SSII) ont constitué le moyen privilégié de mener à bien des projets liés au digital. Depuis quelques années, les plateformes numériques d’intermédiation entre freelances et entreprises sont venues contester ce quasi-monopole en apportant la promesse d’une mise en relation simple avec la ou les profils recherchés.
Et la promesse est ambitieuse puisqu’on retrouve souvent un large éventail de compétences sur ces plateformes : développeurs web, graphistes, web designers, rédacteurs, traducteurs, chefs de projets, consultants, vidéastes, community managers, formateurs … il y en a pour tous les goûts 😅.
Partons ensemble à la découverte de quelques-unes de ces plateformes.
Malt, le leader généraliste
Fraîchement auréolé de son statut de nouvel entrant au NEXT40, Malt fait figure de leader sur le marché des plateformes d’intermédiation entre freelances et entreprises. Créé en 2013, Malt référence aujourd’hui 320 000 freelances (10 000 nouveaux inscrits tous les mois) et couvre un large éventail de métiers.
Malt offre deux possibilités aux entreprises désirant recruter des freelances pour répondre à leurs besoins.
La première correspond au fonctionnement initial de la plateforme : l’entreprise consulte les profils référencés sur Malt et prend directement contact avec eux pour leur proposer un projet. Pour permettre aux entreprises de faire leur choix, chaque freelance renseigne son profil en donnant des informations sur ses compétences, son tarif journalier, ses expériences passées, sa localisation, sa disponibilité …
Comme sur toute plateforme, le système de notation joue un rôle déterminant sur la visibilité des freelances. Chaque avis compte et les clients ayant fait appel aux services d’un freelance sont fortement encouragés à laisser un avis de fin de mission.
Malt récompense ses meilleurs contributeurs freelances en leur proposant des badges « Super Malter ». A la clé, une meilleure visibilité sur la plateforme et un agent dédié dès le niveau 2. Un moyen astucieux d’encourager les freelances à contracter avec leurs clients sur la plateforme pour trouver plus facilement de nouvelles missions par la suite.
Autre possibilité pour les entreprises, se faire accompagner dans sa recherche. Au fur et à mesure de son développement et des levées de fonds qui l’ont accompagné (la dernière en date : 80 millions d’euros en juin 2021), Malt a fait évoluer son modèle économique pour proposer une large gamme de services à destination des entreprises.
Parmi ceux qui ont retenu notre attention :
- Un account manager dédié, autrement dit, la possibilité de poser vos questions et d’affiner votre besoin avec un humain 😉 ;
- Une solution de sourcing offrant la possibilité de recevoir des profils présélectionnés ;
- Un outil de pilotage de la relation avec les freelances en mission au sein de l’entreprise, sorte de freelance management system qui permet de centraliser l’ensemble des prestations sur un même outil ;
- Une avance de trésorerie : paiement à 45 jours pour l’entreprise, dès la fin de mission pour le freelance.
Bref, on le voit bien, près de 10 ans après son lancement, Malt ne s’est pas contenté d’une approche de simple intermédiaire dans la mise en relation. Aussi puissant soit-il, un outil de matching ou un moteur de recherche donnant accès à une base de données de profils freelances ne suffit pas. Les entreprises ont besoin de conseils et d’accompagnement sur ces questions.
Le Hibou, le spécialiste de l’IT
Crée fin 2015 par Christophe de Becdelievre, le Hibou a choisi de se spécialiser dans les métiers de l’IT pour des missions en régie.
Les premières années semblent lui donner raison. Après avoir été classé 3ème au palmarès des champions de la croissance 2021 Les Echos qui met en lumière les entreprises ayant connu la plus forte croissance sur la période 2016-2019, Le Hibou a réalisé un chiffre d’affaires de 13 millions d’euros en 2020 et devrait flirter avec la barre des 25 millions d’euros en 2021 selon son fondateur.
Côté produit, Le Hibou se distingue tout de suite de Malt par son ouverture. Pour avoir accès aux profils des 58 000 freelances référencés sur la plateforme, il est nécessaire de créer un compte. Une fois connectée, une entreprise a la possibilité de déposer son besoin. En cohérence avec le positionnement de la plateforme sur les missions longues, il n’est pas possible de déposer un besoin pour une mission inférieure à une semaine.
Une fois l’annonce publiée, la plateforme se charge de proposer des profils de freelances disponibles qui pourraient correspondre au besoin exprimé. Elle propose également de qualifier les profils (tests techniques et prise de recommandation) et d’organiser les rencontres avec les freelances sélectionnés.
Un fonctionnement qui n’est pas sans rappeler celui d’une ESN. On remarquera d’ailleurs qu’un grand nombre des annonces publiées sur le site semble être le fait d’entreprises cherchant un consultant pour leur client.
Enfin, s’il est également possible de trouver un freelance directement en utilisant le moteur de recherche de la plateforme, cette possibilité semble passer au second plan dans le modèle développé par Le Hibou. L’algorithme de la plateforme semble ainsi moins à même de faire ressortir les profils intéressants pour une entreprise : pas d’avis de fin de mission, assez peu d’informations renseignées. Seul avantage, la possibilité de consulter le CV du consultant. Au final, on est plus proche de la banque de CVs que de la plateforme d’intermédiation entre un freelance et son client final. De quoi faire le bonheur des ESN en quête de nouveaux profils, un peu moins des entreprises cherchant une expertise ou une compétence spécifique.
Freelance Republik et Crème de la crème, les plateformes sélectives
Créées en 2015, Freelance Republik et Crème de la crème affichent aujourd’hui un positionnement assez similaire.
Chez Freelance Republik, le message aux entreprises est clair et affiché dès la page d’accueil : arrêtez de perdre du temps en cherchant des profils dans la masse de freelances disponibles sur les plateformes généralistes. Freelance Republik ne sélectionne que 15 % des profils pour assurer une mise en relation avec les meilleurs freelances.
Crème de la crème adopte une approche comparable. A l’origine, ses fondateurs proposaient aux entreprises les services d’étudiants en formation dans les plus grandes écoles du pays. En 2018, à la faveur d’une levée de fonds de 3 millions d’euros, la plateforme fait évoluer son modèle et s’ouvre aux freelances qu’ils viennent ou non de grandes écoles. Elle garde tout de même son positionnement “élitiste” en proposant aux entreprises d’accéder au top 10 % des meilleurs experts freelances de leur domaine.
L’une comme l’autre s’engage à fournir 3 profils en 48h pour répondre au besoin d’une entreprise. Et l’une comme l’autre ne propose pas la possibilité de consulter des profils via un moteur de recherche.
Freelance.com, la puissance d’un acteur majeur du freelancing
Disons-le tout de suite, Freelance.com n’est pas une plateforme comme les autres. Elle se distingue clairement par son histoire et sa large gamme de services.
Le groupe freelance.com voit le jour en 1995. Bien avant l’apparition des plateformes, il se positionne comme un prestataire de services intellectuels mettant en relation consultants indépendants et entreprises.
Fin 2016, le groupe, qui réalise alors un chiffre d’affaires de 44 millions d’euros, se rapproche de la branche portage salarial de CBV Ingénierie qui inclut Ad’missions, un acteur important du secteur du portage salarial. Cette opération, qui dessine les contours du groupe que nous connaissons aujourd’hui, place le nouvel ensemble en position d’être un des leaders de l’intermédiation entre entreprises et consultants indépendants (135 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2016).
Depuis, le groupe a poursuivi sa politique de croissance externe avec l’acquisition d’INOP’S, réseau de startups de PME, experts du numérique, et de Coworkees, plateforme d’intermédiation entre freelance et entreprises, spécialisée sur les métiers du marketing et de la communication digitale.
Freelance.com pèse aujourd’hui 375 millions de chiffre d’affaires (données 2020) et référence 370 000 consultants et experts indépendants. Acteur transverse du freelancing, le groupe évolue sous les marques suivantes :
- INOP’S ;
- Ad’missions ;
- Provigis, solution de conformité fournisseur ;
- Sage, solution de mobilité internationale ;
- Coworkees.
La plateforme numérique du groupe propose une mise en relation avec les 370 000 freelances référencés par ses différentes filiales. Au niveau des informations disponibles sur le profil d’un freelance, on retrouve du grand classique : présentation, compétences, formation, recommandation. Une entreprise y appréciera notamment pour faire son choix la place accordée à la description des expériences professionnelles passées et la possibilité de consulter directement certaines des réalisations du freelance. Différence notable avec Malt, pas de trace de notation sur la plateforme.
Freelance.com offre la possibilité de contractualiser en direct avec un freelance présent sur sa plateforme ou de signer un contrat de prestation avec un des filiales du groupe, jouant ici le rôle de tiers de confiance pendant toute la durée de la mission. On retrouve également, comme chez Malt, la possibilité pour les grands comptes de se faire accompagner par un account manager spécialisé en recrutement, pour trouver les freelances qui “match” le mieux avec leurs besoins. Enfin, Freelance.com propose aux entreprises des outils de gestion facilitant la collaboration avec les freelances.
Comet, la possibilité de déléguer un projet tech de A à Z
Fondée en 2016, Comet est une plateforme spécialisée sur les profils IT. Pour pouvoir accéder au contenu de la plateforme, il faut dès le démarrage créer un profil entreprise.
Positionnement intéressant, et très différenciant par rapport à la plateforme Le Hibou, Comet est une plateforme exclusivement orientée client final. Elle exclut les ESN souhaitant pratiquer de la sous-traitance, supprimant ainsi un intermédiaire entre le freelance et son client.
Si de l’aveu de son CEO lui-même (on vous encourage à lire le témoignage de Charles Thomas sur la crise traversée par Comet juste après une levée de fonds de 11 millions d’euros en 2018 :😉pour la transparence), Comet s’est beaucoup cherché, force est de constater que son positionnement semble aujourd’hui limpide.
Son offre aux entreprises est basée sur 3 piliers :
- Comet boost : le recrutement d’un ou plusieurs freelances en régie pour renforcer son équipe tech ;
- Comet fleet : la réalisation d’un projet tech de A à Z avec un paiement au forfait et un engagement de Comet sur la livraison ;
- Comet connect : la possibilité de faire porter des freelances trouvés en dehors de la plateforme par Comet.
Concrètement, pour Comet boost, l’entreprise a la possibilité de décrire son besoin. On appréciera particulièrement la jauge d’attractivité de la mission. Pour les entreprises qui ne disposent pas forcément de la connaissance du marché du freelancing, c’est clairement un atout.
Comet s’engage ensuite à fournir des profils freelances en 48h.
Prochain épisode : les collectifs de freelances
En conclusion, nous l’avons vu en passant en revue quelques-unes d’entre elles, les plateformes numériques représentent assurément une solution intéressante pour recruter un freelance. Elles offrent une large gamme de services aux entreprises.
Si la plupart d’entre elles ont abandonné l’idée de concurrencer Malt en supprimant la possibilité de chercher un freelance via leur moteur de recherche, elles proposent toutes aux entreprises de fournir un accompagnement dans leur recherche. Le plus souvent avec un engagement de résultat sous 48h.
Nous verrons dans un prochain épisode que le modèle des plateformes est questionné et que certains freelances s’organisent aujourd’hui pour proposer une alternative aux entreprises et ne plus dépendre des plateformes pour trouver une mission.