Première interview avec aux manettes… le spécialiste de l’interview made in L’ Archipel, Fabrice Richard 🙂.
Bonjour Lise, je suis ravi de te voir (même en visio !) et de réaliser avec toi la première interview pour notre nouveau média l’Archipel, consacré à « l’emploi, sous toutes ses formes » ! Le sujet du jour sera ton excellent livre, “Tout pour être freelance”, publié aux éditions CALIOPEA. Un livre incontournable quand on souhaite se lancer dans l’aventure entrepreneuriale, ou que l’on y est déjà d’ailleurs, que j’ai lu et dont je relis encore certains passages, et que je recommande vivement à nos lecteurs. Encore merci à toi Lise de prendre ce temps de l’échange, du partage et du don de soi.
Qui est Lise Slimane ?
On se connaît depuis quelques années maintenant, on suit nos parcours respectifs en tant qu’entrepreneurs et on échange sur les vicissitudes de la vie à l’occasion… Tu nous as même formés au sujet du Chief Freelance Officer il y a presque 3 ou 4 ans maintenant… Le temps passe !
On voulait parler de freelancing pour le lancement de l’Archipel, notre média dédié à l’emploi sous toutes ses formes. Qui mieux que toi pour aborder ce sujet passionnant ? Tu es une véritable incarnation de ce « mouvement », autant à travers ton expérience personnelle que par ton métier qui consiste depuis plusieurs années à aider les freelances à se lancer eux-mêmes dans l’aventure entrepreneuriale, et à les guider grâce à ton blog la Minute Freelance !
Ton parcours et ton engagement sont pour moi impressionnants : en deux mots, à seulement une trentaine d’années, après avoir fondé une marketplace à peine sortie d’école qui avait pour objectif de mettre en relation des traducteurs dans le monde entier avec leurs clients, tu décides de revendre ton entreprise quelques années plus tard avec ton associé de l’époque. Tu crées peu de temps après la Minute Freelance, un blog où tu partages tes idées, tes bons plans pour les free et surtout tes formations.
Tu deviens en un temps record organisme de formation, mets en place une formation éligible au compte personnel de formation, et proposes des parcours avec un accompagnement de plusieurs mois, tout en continuant à rédiger régulièrement ! Entre temps, tu pars t’installer au Costa Rica après avoir arpenté le monde en tant que digital nomade, tu deviens professeure de Yoga et te passionnes pour le surf entre mille autres projets… Aujourd’hui tu reviens avec un livre incroyable : « Tout pour être Freelance » publié aux éditions CALIOPEA.
Avis de la rédaction : 5/5, pourquoi ?
- La qualité de la rédaction, un gros travail de pédagogie a été réalisé, c’est simple d’accès tout en abordant en profondeur des thématiques essentielles.
- La qualité du design : la couverture est magnifique, et les illustrations à l’intérieur sont très belles et amènent clarté et fraîcheur (Spéciales félicitations à Mathilda PERROT et Julien BREMARD…)
- Les témoignages qui jalonnent tout l’ouvrage, qui donnent un petit effet « retour d’expériences » toujours précieux !
- Les petits exercices dans le livre : ils permettent de ne pas rester seulement au stade « théorique » mais de se prêter au jeu et de tester les conseils de Lise.
- La dimension personnelle : l’autrice se livre, carrément ! C’est juste incroyable
En résumé, un livre incontournable si vous souhaitez vous lancer en tant que Freelance, qui deviendra un compagnon de route précieux tout au long de votre parcours entrepreneurial.
Nous allons parler de ton livre, bien évidemment, de son contenu, et des raisons pour lesquelles tu l’as écrit, mais d’abord, une question préalable qui taraude la plupart d’entre nous…
Première question : peut-on toutes et tous devenir Freelance ?
“Excellente question ! Sur le principe, la réponse est oui ! Mais en même temps, je dirais que cela ne correspond pas à tout le monde. La réalité est que l’on a toutes et tous des compétences que l’on pourrait « vendre » théoriquement en tant que Freelance. Mais, être Freelance, c’est aussi un état d’esprit : il faut être proactif, aimer prendre des risques et avoir envie de faire un saut dans l’inconnu. En cela, suivant la période de sa vie dans laquelle on se trouve, les aspirations et les contraintes du moment, ce n’est pas forcément évident.
Se lancer dans l’entrepreneuriat, c’est selon moi faire un arbitrage entre un désir de confort, de pérennité et presque de sentiment de certitude je dirais que peut conférer le salariat, même si la réalité est souvent plus complexe, et un besoin de liberté et de sens dans son quotidien. Le Freelancing ne répond clairement pas aux premiers besoins, mais une fois ces « freins » levés, on peut bien sûr tous y arriver !”
Seconde question : qu’est ce qui t’a donné envie d’écrire ce livre ?
J’ai toujours aimé écrire, j’ai toujours aimé les livres, et quand j’ai ressenti le besoin de « partager » quelque chose qui venait de moi, ce moyen m’est apparu évident. Ensuite, en écrivant ce livre, je me suis rendue compte que je répondais à la fois à un besoin personnel et à une envie de « donner » aux autres.
Me concernant, c’était important de faire la somme de tout ce que j’avais appris et vécu ces dernières années. Toutes ces expériences professionnelles et humaines, il fallait que je les réunisse quelque part, que je les « mette au monde » pour donner un sens à tout ça. C’était très cathartique ! C’est un peu un témoignage de mon passage, mon petit héritage à moi.
Avec la Minute Freelance, mon blog et organisme de formation, je reçois tous les jours des messages de personnes qui me demandent des conseils, de l’aide pour se lancer, trouver des clients ou encore négocier. Avant le livre, je n’avais que des formations pour les aider. Mais cela implique un coût et un effort, tout le monde n’est pas encore prêt à faire cet investissement là. En réunissant toutes ces informations dans ce livre, je propose aux gens ce que j’ai mis des années à acquérir et peaufiner, toute mon expérience, et ils peuvent déjà se faire une idée des grandes questions auxquelles il faut répondre avant de se lancer.
D’ailleurs pour encore simplifier la démarche des personnes qui se posent des questions, et voir si cela peut les intéresser de se lancer dans l’aventure Freelance, nous avons décidé avec CALIOPEA, la maison d’édition, de mettre gratuitement à disposition les deux premiers chapitres du livre : « C’est quoi un freelance » et « Tous les métiers (ou presque) pourraient s’exercer en freelance ». Cela donne déjà un bon aperçu !
Troisièmement : tu abordes et partages avec les lecteurs de nombreux sujets sensibles, voire personnels (le célibat, la vie de couple, la relation avec famille et amis, un « bad buzz » que tu as vécu…), le processus d’écriture a été difficile ? Quel chapitre a été le plus compliqué à écrire pour toi ?
Ecrire, c’est pour moi une thérapie et bien sûr je suis passée par toute la palette des émotions qui existent pendant le processus : j’ai ri, j’ai pleuré, j’étais heureuse, j’ai eu honte… des souvenirs difficiles sont remontés… bref, dans la première mouture, j’ai mis absolument tout ce qui me passait par la tête sur le papier ! Bien évidemment, j’ai fait un gros travail d’écrémage ensuite en choisissant ce qui me semblait le plus pertinent à garder. La question que je me posais pour me décider était : « est-ce que je peux aider quelqu’un avec ça ? ».
Finalement, je me suis rendue compte qu’en se mettant à nu, en étant soi-même et en acceptant sa vulnérabilité, on devenait plus fort, presque intouchable. Quand on se livre aux autres, cela va toujours parler à quelqu’un qui va se sentir concerné, qui aura vécu la même chose, ou quelque chose de similaire, il va se sentir « validé » dans son expérience, en tant que personne. Ce sentiment te porte, tu te dis : « je ne suis pas anormal » !
Je pense que quand on souffre longtemps, cela génère de la compassion, de la compréhension envers les autres et le monde. Si je devais te dire ce que représente le Freelancing moi, c’est un moyen pour me comprendre, comprendre ceux qui m’entourent et accepter ce que je suis.
Pour répondre à ta deuxième question, deux chapitres ont été particulièrement difficiles à écrire. Celui sur le couple tout d’abord, domaine où je n’avais pas l’impression d’être particulièrement douée, et donc légitime pour en parler… Comme je le dis dans le livre, le digital nomadisme s’accompagne souvent d’une « misère émotionnelle ». Mais finalement j’ai estimé avoir appris beaucoup de choses de mes expériences et mes échecs, et que j’avais le droit de les partager. C’était difficile, mais ça m’a guérie en grande partie.
Sur l’acceptation de soi, un autre chapitre, cela n’a pas été évident non plus ! J’ai quand même mis 30 ans à y arriver ! (Rires) Je suis passée par de nombreux stades, dont celui de la discipline de fer ! Mais ce « tout ou rien » était pour moi trop frustrant, je passais à côté de beaucoup de choses, afin d’atteindre un objectif encore bien lointain.
Par exemple, quand j’étais plus jeune, j’étais un peu ronde, et quand je pratiquais du sport, c’était uniquement pour perdre du poids ! Finalement, j’avais associé le sport à la haine de soi ! Quand j’ai compris que je faisais fausse route, que je me suis enfin acceptée dans mon corps, j’ai eu un déclic : le sport est devenu un plaisir, et plus une obligation quasi- « hygiéniste ». Je n’ai plus d’attentes particulières sinon de profiter du moment présent quand je le fais. Ce n’est plus que de la discipline (même s’il en faut) mais avant tout de l’amour de soi.
Ton livre aborde à travers 25 chapitres séparés en 5 grandes parties un nombre de thèmes impressionnants, dont de nombreux essentiels :
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- Le lieu de travail en tant que Freelance
- La création d’une offre de service irrésistible
- Bien fixer son prix et bien négocier
- Pourquoi et comment communiquer de manière efficace
- Adopter le bon état d’esprit quand on est Freelance « le Mindset »
- Concilier indépendance et vie de famille
- Développer son patrimoine, investir… et même comment « voir au-delà du freelancing »
Par rapport à ton expérience de formatrice, y-a-t-il selon toi des sujets plus « importants » que d’autres, « prioritaires » quand on souhaite se lancer ?
Selon moi, avant de se lancer en freelance, il est impératif de comprendre et de trouver quelle valeur on souhaite apporter, et bien sûr à qui on veut l’apporter ! Quelles personnes vont être intéressées, et comment je vais leur faire savoir, comment vont-elles se rentre compte de ma valeur ! Pour cela, il faut beaucoup d’intelligence émotionnelle, de l’empathie, pour se mettre à la place des autres, comprendre leurs besoins. Et pour y arriver, il faut passer à l’action, ce n’est qu’à ce moment-là que l’on se rapproche de notre valeur ajoutée.
Un exemple criant sont les messages que l’on reçoit souvent de personnes qui nous abordent pour nous vendre quelque chose, ou même postuler à une offre de job : 90% du temps, les gens ne parlent que d’eux, jamais de ce dont ont besoin leurs clients. Les 10% qui le font, qui ont cette intelligence émotionnelle, sont ceux qui arrivent à avoir les bonnes missions et à vendre leurs services. Bien sûr, ce n’est pas un long fleuve tranquille, des messages tous pourris on en a tous envoyé ! (Rires)
Le « Freelancing » est pour toi plus une question de recherche de sens que de liberté, une histoire de cœur et d’authenticité : qu’est-ce que tu entends par là ?
Quand on parle de désir de « liberté », on ne pousse en général pas la rétexion jusqu’au bout. C’est quoi « la liberté » ? Il est difficile de répondre, puisque personne ne donnera la même déenition à ce mot en fonction de son quotidien et de ses désirs de l’instant.
C’est le sens que je souhaite donner à ma vie qui importe : que l’on veuille des horaires texibles, son mercredi après-midi, choisir ses lieux de vie, ses projets et ses missions, ses collègues de travail, ou encore se lever le matin en ayant l’impression de faire quelque chose d’utile, avoir le contrôle. C’est cela qui importe, rechercher le sens que l’on veut donner à son quotidien, et se donner les moyens de le faire. D’ailleurs, certaines personnes y arrivent dans le salariat, même si force est de constater que c’est plus rare !
Tu nous invites dans ton livre à dépasser « nos pensées limitantes » notamment sur l’argent, mais pas seulement : tu abordes la peur du rejet, le syndrome de l’imposteur.
Ces sujets sont propres aux Freelances ? Le Freelancing aide à les dépasser ?
Non, ces sujets ne sont pas propres aux freelances, cela touche tout le monde et à tous les âges. En France particulièrement, le rapport à l’argent est un vrai sujet. Si tu gagnes plus de 3000 euros par mois, tu es vite catégorisée dans les personnes « riches », et cela a presque un aspect négatif, tu dois t’en excuser, voire tu te demandes si tu peux être une bonne personne en gagnant « autant ».
Ce n’est pas évident de sortir de ces schémas « limitants », mais quand tu deviens freelance, tu deviens ouvert au défi et au dépassement, tu es forcément curieux et tu dois dépasser ton conditionnement si tu veux y arriver. C’est une quête personnelle, une introspection, et ces questions-là, tu peux plus facilement les résoudre, mais cela demande aussi des efforts !
Je ne dis pas que l’on ne peut pas y arriver si on reste dans le salariat, mais il y a globalement moins de croissance dans le confort, même si c’est souvent une impression de confort en réalité. Le corps humain fonctionne de manière identique, c’est en dépassant ses limites et sa zone de confort que tu peux arriver dans le sport, ou dans l’art. La nature est un bon exemple aussi. Sur la question de la peur, j’aborde aussi dans le livre les blessures de l’enfance, celles qui nous rendent insécure émotionnellement, qui génèrent la peur et trop souvent le syndrome de l’imposteur. Je le vis encore, mais aujourd’hui j’ai les outils pour gérer ces moments de doutes.
Tu abordes aussi un sujet complexe en tant que Freelance, qui peut faire peur à pas mal de monde : la solitude. Tu écris : « En Freelance, la majeure partie du travail consiste à gérer sa propre psychologie. C’est en cela que l’expérience est solitaire, ce n’est pas le simple fait de travailler seul devant son écran, c’est surtout qu’il n’y a personne pour nous dire si nous allons dans la bonne direction : « on a parfois le sentiment d’être incompris ou perdu ».
Septième question Lise : comment fait-on pour dépasser cette peur de la solitude, de l’incompréhension ? Comment as-tu fait toi ?
Pour dépasser cette solitude qui peut nous paralyser, il faut accepter de ne pas savoir, de commettre des erreurs, de comprendre que tu es responsable de ton avenir, mais de ne pas te juger quand tu te trompes, accepter ses émotions : il faut que tu deviennes ton meilleur ami. Dans l’entrepreneuriat, comme partout, fleurissent des « gourous » qui te promettent monts et merveilles et qui finalement te rendent dépendant. La clé, c’est l’indépendance, ne pas déléguer la responsabilité à d’autres. D’ailleurs quand je crée une formation et que je conseille les gens, mon objectif est de les autonomiser au maximum.
Ce qui fonctionne très bien pour moi, c’est d’être entourée d’amis entrepreneurs, avec qui je peux partager mes doutes, mes craintes et mes joies, mais aussi des amis qui ne le sont pas ! C’est tellement agréable de ne pas toujours ressasser, et de simplement boire un verre, vivre dans la « vraie vie », la réalité. Quand on est freelance, on a tendance à beaucoup ruminer, c’est rapidement l’angoisse, tout peut tourner autour de nos problèmes, alors que le monde est plus vaste que notre simple expérience, c’est bien de se le rappeler.
Une phrase m’a particulièrement marqué : « Nous n’avons plus le courage de rêver », tu peux nous en dire plus ? Et surtout nous expliquer comment nous pouvons à nouveau « oser réclamer nos rêves » comme tu nous y invites ?
Je fais souvent une expérience avec les personnes que je rencontre, je leur demande : « quel est ton rêve ? ». C’est très intéressant de voir leur réaction et ce qu’ils répondent. C’est important je pense de se poser la question à soi-même ! Je constate dans ma génération une perte de foi, une perte de sens et une angoisse face à l’avenir que l’on peine à voir devenir meilleur.
Entre les questions sur l’environnement, la pandémie, notre système de protection sociale menacée depuis des années d’explosion, on nous transmet sans arrêt des images négatives nous laissant penser que le futur est angoissant, incertain, que l’on n’a de prise sur rien… Tout cela nous empêche de rêver. Si l’on garde foi dans l’avenir, on en sortira vers le haut.
Il est plus que jamais impératif de se projeter, d’enlever le sentiment de manque, le sentiment d’urgence (il faut que j’aie tout, tout de suite) afin de rouvrir le champ des possibles. L’idée n’est pas d’avoir toutes les clés dès le départ, il faut juste savoir ce dont on a réellement envie, et pas à pas s’en approcher, se donner les moyens d’y parvenir. Une fois que tu es au clair avec ton intention, que tu es aligné, tu poses les briques une à une, et tu profites du chemin pour y parvenir.
Quand j’avais 15 ans, je savais ce que je voulais : voyager, découvrir le monde. J’ai accumulé des couches autour de ce projet, des pensées limitantes que j’ai dû lever une à une, mais aujourd’hui j’ai accompli mon rêve.
« Voir au-delà du freelancing » ? Qu’entends-tu par là en deux mots, et surtout c’est quoi l’au-delà du freelancing pour Lise Slimane aujourd’hui ?
Voir « au-delà du freelancing », c’est une invitation à se servir de ce merveilleux « outil » pour réaliser ses rêves ! En d’autres termes, quand tu as fini par trouver ce que tu souhaites accomplir, le freelancing est un moyen idéal pour le concrétiser.
Pour moi, c’est continuer à mener la vie que j’ai aujourd’hui, dans un pays que j’aime le Costa Rica, et développer encore plein de projets : fonder une école en ligne pour les freelances, créer un espace de Coliving et bien d’autres choses encore… tout en faisant du surf, ma passion ! Finalement, tout s’aligne, j’aime le monde, les voyages et les gens, et je continue à poursuivre ce rêve, brique après brique, et je compte bien profiter du voyage et prendre du plaisir bien avant que la maison soit entièrement construite !