Interview #5 – Le Statut National d’Étudiant-Entrepreneur

décembre 9, 2022
Gregory Hebinger

 

Merci Grégory HEBINGER d’avoir répondu à nos questions interview.

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dégradé couleur pépite d'Étudiant

On entend souvent parler de l’engouement des jeunes pour l’entrepreneuriat. On entend moins parler en revanche des moyens existants pour aider concrètement cette jeune génération à se lancer en toute quiétude dans le grand bain de la création d’entreprises, grâce notamment à un accompagnement dédié.

Aujourd’hui nous partons à la découverte d’un « statut » ma foi fort original, le Statut National d’Étudiant-Entrepreneur (SNEE), initiative portée par le Ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche.

Vous savez qu’au sein de l’équipe de l’Archipel, on adore découvrir de nouveaux horizons, aujourd’hui ce sera Grégory HEBINGER notre guide, entrepreneur, dirigeant lui-même d’un Pépite et accompagnateur des jeunes Étudiants-Entrepreneurs de demain !

Avant de commencer Grégory, peux-tu te présenter en quelques mots, nous en dire plus sur ton parcours et ton entreprise, et ensuite comment tu t’es intéressé au SNEE et au Pépite dont on parlera juste après ? 

« J’ai un parcours atypique, comme beaucoup de monde quand on y réfléchit bien, donc on pourrait dire assez « typique » finalement (Rires). 

J’ai obtenu mon doctorat en chimie en 2008. En plus de ma casquette de chercheur, j’ai toujours été « entrepreneur » dans l’âme. Déjà, pendant mes études, j’ai créé des associations, organisé des d’évènements, des cafés étudiants, j’avais clairement une appétence pour ça. A la fin de mes années de recherche, j’ai passé un diplôme en innovation entrepreneuriale, et c’est là que j’ai rencontré mes futurs associés : un inventeur et un « serial entrepreneur ». Nous étions en 2010, ils cherchaient une personne pour les aider à structurer leur projet et le mettre en œuvre.

Quelques mois plus tard, VARISTART est née ! Nous avons monté une société d’ingénierie mécanique située à Strasbourg. Notre cœur de métier était la conception de technologie de réduction d’efforts et de consommation d’énergie. 

Malheureusement, en 2016, l’un des associés est décédé, ce qui a mis fin à l’aventure de l’entreprise. Nous avons tout de même réussi à revendre, notamment la propriété intellectuelle et les brevets.

Après cet épisode difficile, j’ai eu besoin de « vacances » un peu longue. Pendant cette période introspective, j’ai senti se développer en moi un désir de transmission, une envie de partager mes expériences. Et un jour, je reçois par un contact sur ma boîte mail, une annonce d’un Pépite qui cherchait quelqu’un pour accompagner de jeunes étudiants entrepreneurs. J’ai assez naturellement postulé et j’ai tout de suite eu le job. 

La nouvelle aventure Pépite et SNEE a commencé ! On était encore en 2016. »

Dis-nous en plus sur ce statut, comment ça fonctionne (quelle différence avec la micro par exemple), et à qui s’adresse-t-il (âge minimum et maximum, conditions…) ?

 

Le Statut National d’Étudiant-Entrepreneur (SNEE) est avant tout un dispositif social, entièrement gratuit, et non fiscal. Il ne s’agit pas d’une création d’entreprise, on ne peut pas facturer en SNEE, on ne cotise pas à la sécurité sociale des indépendants, mais à la sécurité sociale étudiante. 

Cela permet à un étudiant, à un jeune diplômé, de pouvoir disposer d’un statut afin d’aménager ses études, comme peut le faire finalement un sportif de haut niveau par exemple.

Le SNEE, c’est en quelque sorte un dispositif d’accompagnement, d’incubation pré-marché d’un projet professionnel. Les étudiants peuvent bien sûr se mettre en portage salarial, en CAE ou micro-entreprise en parallèle s’ils souhaitent facturer plus rapidement, mais c’est en « complément », je dirais, du SNEE.

C’est le ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche qui délivre ce statut, les Pépite sont des organismes mandatés par ce ministère afin de le déployer sur toute la France. Cet accompagnement a une durée d’un an (année universitaire), et peut être renouvelé tant que de besoin.

Pour vous donner un exemple concret, vous suivez par exemple vos études d’anglais en Master, vous avez un projet en tête de logiciel de traduction : vous demandez à intégrer un Pépite et bénéficier du SNEE afin d’obtenir un aménagement de votre emploi du temps, afin d’être accompagné par des professionnels pour construire et structurer votre projet entrepreneurial.

Attention, ce n’est pas automatique, les responsables de chaque formation ont leur mot à dire, chaque école a en effet son propre cahier des charges. Le SNEE est une possibilité, pas un droit opposable. Même si, en règle générale, comme c’est soutenu par le ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche, cela ne pose pas trop de difficultés.

Pour celles et ceux qui ont quitté le cursus universitaire, nous avons mis en place un Diplôme d’Établissement d’Étudiant-Entrepreneur (D2E) qui permet d’accéder directement au statut et à l’accompagnement dédié. Le diplôme a des frais d’inscription, qui correspondent en général au tarif de l’inscription à l’université, qui peuvent être pris en charge par Pôle Emploi si vous êtes demandeurs d’emploi par exemple, votre CPF ou encore les bourses si vous y êtes éligibles. Ce diplôme est adossé à une certification de compétences au répertoire national des compétences professionnelles (RNCP).

Sur la question de l’âge, aucune limite ! Il n’y a pas d’âge pour étudier ! Concrètement aujourd’hui 80% des personnes qui bénéficient du SNEE ont tout de même entre 20 et 30 ans, même si une personne de 55 ans étudie au sein de notre Pépite par exemple.

Au fait, c’est un quoi un Pépite ?

 

« Un Pépite, c’est un Pôle Étudiants Pour l’Innovation, le Transfert et l’Entrepreneuriat… Rien que ça (Rires). C’est donc un pôle au sein des établissements supérieurs qui ont la charge d’animer cet écosystème, afin que chaque jeune qui le souhaite puisse être accompagné dans son projet entrepreneurial.

Si le diplôme est validé par la faculté dans laquelle réside le Pépite, c’est ce dernier qui réalise tout l’appui.

Nous sommes en quelque sorte des « qualificateurs » du projet et du porteur. On pré-incube ces entrepreneurs en devenir, et on les renvoie vers les bonnes structures ensuite, une fois les bases bien acquises.

Il faut noter que partout en France métropolitaine et en Outre-mer, les Pépites ont le même référentiel qualité avec des conditions minimum d’accompagnement. Après chaque Pépite est très autonome, et peut faire plus en fonction de son réseau et de son équipe.

Concrètement, quand les jeunes intègrent un Pépite, ils bénéficient tout au long de l’année d’un accès à un référent du monde socioéconomique, un ancien dirigeant ou entrepreneur en général, ou des experts des chambres consulaires.

Ces jeunes créateurs ont une démarche « effectuales », ils partent de leurs projets et nous posent une multitude de questions auxquelles nous répondons (la plupart du temps Rires).

L’étudiant sous SNEE bénéficie d’un parcours d’incubation, de formations, et d’ateliers animés par des experts des différents sujets qui tournent autour de l’entrepreneuriat. Nous avons, outre ce rôle d’écoute et de formation, un rôle d’ouverture vers l’écosystème entrepreneurial d’une région, le réseau c’est effectivement important, et le Pépite oriente les jeunes entrepreneurs vers les bonnes personnes. »

Les étudiants qui se lancent le font majoritairement en mode start-up, TPE/PME « classiques », solopreunariat ? Est-ce qu’il y a des secteurs d’activité privilégiés ?

« C’est assez mouvant, je vais vous donner l’exemple de l’Alsace que je connais mieux, mais ce n’est pas forcément applicable à toute la France.

Mon constat est que beaucoup de jeunes viennent aujourd’hui avec leurs propres idées, en général seuls. Notons que plusieurs personnes qui veulent monter un projet commun peuvent s’inscrire dans des Pépite différents et bénéficier d’un accompagnement pour l’ensemble de celui-ci. Mais pour en revenir à la question, nous constatons de moins en moins de désir de création d’entreprises en mode Startup, et ce depuis fin 2016, début 2017. La conscience sociale de cette génération a clairement changé, c’est ce que je constate en tous les cas à mon niveau.

C’est assez riche, voire grisant parfois d’accompagner tous ces jeunes. On a une véritable connexion avec eux, et sans faire de généralités, on peut aisément se projeter et apercevoir une photographie de ce que pourrait-être le monde de l’emploi de demain, ou en tous cas dans les grandes tendances.

Par exemple en 2016, beaucoup d’étudiants venaient avec leurs projets de création de plateformes numériques, dans un objectif clairement affiché de revendre leurs idées aux GAFAM. Aujourd’hui, au moins 50% de ce qui nous est présenté sont des projets à impact sociaux et environnementaux.

D’une part, c’est rassurant pour nos veilles générations (rires). D’autre part et surtout, cela tranche avec le discours que l’on entend parfois sur cette jeunesse déconnectée du monde du travail ou qui manque de motivation. 

Cette jeunesse, depuis 6 ans que je la suis de près, je la trouve finalement très disruptive, ce sont eux font bouger les lignes, et c’est aux acteurs institutionnels de s’adapter ! »

Est-ce que les étudiants se détachent plus facilement du salariat selon ton expérience ou est-ce-que, au contraire, cela reste une minorité ?

« Tout d’abord, rappelons qu’une grande majorité de la population active est encore salariée, et que cela ne va pas changer du jour au lendemain.

Maintenant, force est de constater que le barycentre de l’emploi a profondément changé, et qu’il y a de plus en plus de « professions intellectuelles ». Ce qui facilite, évidemment, les nouvelles formes d’organisation du travail.

De plus en plus de personnes créent leur activité professionnelle (ou souhaitent le faire), deviennent entrepreneurs de leur vie quelque part et exercent leurs compétences dans plusieurs entreprises. Elles sont au centre de la création de leur propre emploi : ce n’est plus simplement l’entreprise qui offre une mission que vous effectuez à temps plein toute votre vie. 

Mais je ne parlerai pas pour autant de rejet du salariat, c’est simplement une autre manière de voir les choses. Encore une fois, sans vouloir faire de généralités, je pense que ces jeunes souhaitent avoir la maîtrise de ce qu’ils vont faire. L’entrepreneuriat est simplement un moyen de parvenir à leurs fins. Le sens au travail est devenu fondamental, et cela ne touche pas que cette génération. » 

Tu es toi-même entrepreneur et tu diriges l’un des 33 Pépite en France, celui d’Alsace. Qu’est-ce que tu proposes concrètement aux étudiants qui rejoignent ton Pépite ?

« Tout d’abord, il faut préciser qu’il n’y a absolument aucune concurrence entre les Pépite, chacun à sa zone de « chalandise » : il existe aujourd’hui 33 Pépite, correspondants aux anciennes régions, afin de couvrir tout le territoire, DROM-COM inclus.

En Alsace, nous sommes onze personnes à suivre 250 étudiants, ce qui fait 25 projets et porteurs chacun environ que nous suivons individuellement. Nous avons une centaine de mentors / experts / coachs qui participent au quotidien avec nous à l’accompagnement de ces jeunes entrepreneurs. 

En complément, nous organisons une cinquantaine d’ateliers d’experts par an, sur des questions juridiques, comptables, en matière de communication ou encore de propriété intellectuelle mais aussi des ateliers « métier » quand cela est possible. 

Tout ceci, rappelons-le, est entièrement gratuit !

Dans notre Pépite, nous avons par exemple réussi à faire bénéficier nos Étudiants-Entrepreneurs d’accès gratuits un espace de coworking, mais aussi à des Fablabs, avec tout l’équipement de pointe de l’université ! Bref, on essaie de les faire travailler dans les meilleures conditions possibles ! »

Quels sont les « chiffres marquants » du SNEE aujourd’hui ?

« 5 360 : c’est le nombre, rien que sur l’année universitaire 2021/2022, d’Étudiants-Entrepreneurs qui ont bénéficié du dispositif Pépite. 

20% : c’est notre taux de conversion à l’entrepreneuriat. Un étudiant sur cinq va donc au bout de son projet entrepreneurial en sortant d’un Pépite. Mais ce qui est intéressant, c’est que notre taux de conversion à un emploi avoisine lui les 100%. Ces jeunes sont bien formés, et comprennent mieux les besoins et enjeux des entreprises, et sont donc plus facilement recrutés. 

330 000 : c’est la somme totale en euros remise par le ministère de l’Enseignement Supérieur, et de la Recherche aux Étudiants-Entrepreneurs qui remportent chaque année le Prix Pépite.

33 : c’est justement le nombre de Prix Pépite organisés par an : chaque Pépite décerne un prix, avec 10 000 euros pour le jeune Étudiant-Entrepreneur sélectionné ! »

Que dirais-tu à un jeune pour le convaincre de se lancer dans la création d’entreprise via le SNEE ?

« Si tu as une idée, tu n’as rien à perdre à venir la tester chez nous ! Au pire des cas, tu vas développer des compétences et devenir plus attractif pour les entreprises et donc pouvoir choisir l’endroit où tu voudras travailler. En plus, c’est totalement gratuit, et tu peux gagner 10 000 euros (Rires) ! »

(Ndlr : je vais peut-être m’inscrire du coup … 😉)

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C’est quoi les projets des Pépite pour demain ?

« Notre projet pourrait se résumer en deux mots : valorisation et partenariat !

Il faut valoriser et faire connaître plus largement le dispositif aux prescripteurs comme l’APEC par exemple afin qu’ils puissent proposer ce statut plus largement aux personnes qu’ils conseillent tous les jours.

Un autre enjeu pour nous est de renforcer notre approche métier, en se rapprochant des branches d’activité par exemple, et sortir de la seule logique généraliste. 

En d’autres termes, c’est nouer, encore et toujours, plus de partenariats afin de sensibiliser un maximum de jeunes à l’entrepreneuriat afin qu’ils choisissent en connaissance de cause le meilleur chemin pour eux. »

Par Fabrice Richard, Co-fondateur & associé de La Faabrick Cherdet et du média l’Archipel

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