Fondateur de The Walking Nerds et Directeur de Grave Cool, il explore l’innovation et le numérique sous un prisme humain et utile. Autodidacte, il se lance dans la programmation dès les débuts du minitel, traversant les évolutions de la tech. Aujourd’hui, il œuvre pour des projets au service des autres, en quête de sens et d’impact. Un regard sincère sur l’entrepreneuriat et la recherche de valeurs durables.
Des questions simples et directes, des réponses sans langue de bois, c’est ce qu’on aime, c’est parti pour cette nouvelle interview de l’Archipel !
- Derrière chaque projet, il y a des personnes : Et si on parlait de l’humain ? Raconte-nous, Pascal : ta vie perso, ton parcours, tes passions …
- Ton projet fou : Ici, on sort du pitch pour entrer dans le fond. Partage l’origine de ton idée, ta proposition de valeur et tes objectifs.
- Les hauts et les bas de l’aventure entrepreneuriale : Quelles leçons, aléas et questionnements ont jalonné ton parcours ? Parlons du bon, du moins bon, et de l’après.
- L’incubation avec Paris&Co : Qu’a apporté cette expérience à ton projet ?
Merci à Pascal Pillegand d’avoir répondu à nos questions.
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Derrière la création d’entreprise, derrière tout projet, il y a des personnes … et si on en parlait ! Raconte-toi Pascal (Vie perso, parcours, violon d’Ingres …)
Je m’appelle Pascal Pillegand, 63 ans, j’ai 4 enfants et suis entrepreneur dans le digital depuis le millénaire précédant ! … attention … sous mes cartes de visite (virtuelles), il y a un petit cœur qui palpite … je suis largement aussi motivé par les considérations humaines que par les questions techniques ou les patterns business.
A ce jour, je suis co-fondateur / animateur de The Walking Nerds et directeur général de Grave Cool.
J’ai commencé ma carrière professionnelle en autodidacte. J’avais un goût pour les problèmes logiques, la programmation. Un peu par hasard, je me suis retrouvé programmeur sur Minitel en 1985. J’ai notamment beaucoup bossé sur les services de messagerie (qu’on a appelé messageries roses mais qui en vrai étaient de plein de couleurs et de tonalité différentes), les ancêtres des sites de rencontres et des réseaux sociaux.
C’était les débuts d’une diffusion massive de l’informatique de communication. C’était en France et c’était drôlement passionnant.
J’étais jeune, plutôt bon dans mon métier, le codage. C’était un milieu où tout semblait possible. On construisait des applications (services Minitel) dans son garage (littéralement) qui du jour au lendemain pouvaient être utilisés par des milliers de personnes.
J’ai aussi été associé entre 90 et 94 avec Rafi Haladjian, juste avant qu’il ne lance Francenet, premier provider Internet en France. Nous avons monté une boite italienne qui développait et diffusait des services Videotel (le Minitel italien).
Après ma période Minitel, nécessité fait loi, je suis parti quelque temps dans le consulting en informatique pour de grosses boîtes. Les systèmes étaient souvent archaïques, délaissés de Dieu et des hommes. Les applications étaient pénibles, pas pratiques, peu performants. C’est à ce moment que j’ai arrêté de programmer pour développer ma petite SSII. Je passais à autre chose …
C’est drôle quand on y pense avec du recul, mais quand tu commences à bosser, tu es « un maker », tu construis, tu veux prouver que tu sais faire des choses. Ensuite en vieillissant tu es plus dans l’humain, la compréhension de l’autre, tu veux faire du management, et à la fin de ta carrière tu réfléchis, tu veux donner un sens à ton parcours, et tu fais de la philosophie. Je crois que ça résume bien mon parcours (Rires).
Allez je reprends le fil : après cette expérience d’ESN, au tout début 2000, je retourne à mes premières amours, et à Internet.On partage des bureaux dans le 18ème à plusieurs boîtes, un co-working “home made” dans lequel se croisent des gens, des idées, des projets, des business. Je démarre avec Gilles Brumberg et Christophe Hilmoine, mes associés de l’époque, un site de rencontres par affinités culturelles Pointscommuns.com, qui démarre fort (on passe de 0 visiteur / jour à 30 000 en quelques mois).
Dans le bureau à côté Benjamin Bejbaum et Olivier Poitrey créaient Dailymotion, au-dessus Malick N’Daye produisait le premier album de Ayo “under my kneews”.J’ai eu la chance de vivre cela à plusieurs reprises, l’impression d’être dans une marmite, avec une espèce de force de création qui pousse tout le monde.
Pour revenir à l’expérience pointscommuns.com, le projet qui a été un succès par plein de côté, n’a finalement jamais décollé économiquement (il faut bien reconnaître que c’est quand même la base pour un business). Après quelques années sans rémunération, je me suis retrouvé sans argent et sans ressource, quelque temps au RSA pendant que je construisais une nouvelle activité.
Une sorte de “vengeance du réel”, après une période hors sol. C’était anxiogène, douloureux, pas très confortable en termes d’estime de soi, mais plutôt salutaire in fine puisque cela m’a bien ré ancré et amené des projets Grave Cool !
Alors, c’est quoi ton projet fou, on sort du pitch, on prend le temps, on parle vrai : origine, proposition de valeur, objectifs …
L’industrie du numérique est un univers déconnecté (un comble), qui virtualise le réel avec des impacts forts sur le quotidien des gens. Je pense notamment aux réseaux sociaux, aux jeux vidéo, au Métaverse, aux crypto-monnaies – l’e-économie, l’IA… et ce pour le meilleur et pour le pire.
C’est de notre responsabilité de créer des usages du digital qui ont du sens. Il me semble que bien employé, le digital pourrait contribuer à résoudre les problématiques fondamentales de l’humanité (mon côté indécrottable optimiste qui frise parfois la candeur).
Ça a été notre moteur à la création de The Walking Nerds en 2015.
En quelques mots, The Walking Nerds mettent leurs compétences digitales pour produire des applications utiles (sites Internet – applications mobiles – plateforme métier – dispositifs digitaux divers).
Un peu une notion d’éveil => les Nerds (experts du digital) se lèvent et marchent vers les porteurs de projet de sens pour leur apporter les outils dont ils ont besoin pour rendre le monde meilleur. Les usages priment sur la tech !
Alors nous avons commencé à développer des projets à impact (positif) sociétal et / ou écologique.
En 2019, on embarque sur un gros projet pour l’AFPOLS (l’organisme de formation du logement social). Nous avons transformé une formation certifiante de 40 jours présentiels destinée aux gardiens d’immeuble du logement social, en une formation certifiante de 25 jours dont la moitié dans un serious game 3D.
Cela donne le “Cooc Gardiens d’immeuble” qui a permis :
- une baisse de 30 % des coûts globales de la formation
- un taux de + de 90 % de certification (pour des apprenants qui ont souvent eu un parcours scolaire chaotique et sont peu à l’aise avec les formations traditionnelles)
- un taux de satisfaction des apprenants hors normes
- une plus grande accessibilité (grâce à cette partie “serious game” jouable à distance).
Fort de cet exemple qui prouvait l’efficacité des dispositifs d’e-learning pour des gens peu digitalisés et souvent peu à l’aise avec l’apprentissage traditionnel, nous avons créé avec l’AFPOLS une filiale dédiée à l’e-learning.
C’est Grave Cool.
Grave.Cool est une startup EdTech, incubée chez Paris&Co.
Sa mission consiste à former et informer massivement, en s’appuyant sur les innovations technologiques (serious games – applications immersives 2D / 3D – adaptive learning – social learning – IA générative).
Nous avons démontré que l’innovation en e-learning, ce n’est pas que pour les collaborateurs des grosses boîtes (même si c’est très bien aussi).
C’est également tout à fait adapté à des personnes supposées en fracture numérique, en difficulté vis à vis de l’acquisition de connaissance, en réinsertion professionnelle, en situation de handicap.
Depuis lors, nous créons des dispositifs de formation et d’information innovants.
Nous venons de concevoir et développer pour l’Union Social de l’Habitat “Declic Gardiens” un jeu qui permet de présenter de façon ludique un métier en tension afin de recruter autrement.
Pour déployer nos formations immersives, nous avons aussi mis en place STAN, une plateforme LMS (Learning Management System), qui nous permet d’héberger nos modules et différentes applications ainsi que les contenus pédagogiques, la gestion des stagiaires, des sessions et des groupes de formation etc…
Bref, avec Grave Cool, pour résumé nous mettons en place des dispositifs de formation et d’information innovants et notre objectif est simple : grâce au digital, susciter le désir d’apprendre, de se former, notamment auprès des personnes qui sont à priori éloignées des sujets tech, du numérique voire de l’emploi.
On se livre : aléas, questionnements et vicissitudes de l’aventure entrepreneuriale, le bon, le moins bon, et l’après désiré …
Il y a des aventures entrepreneuriales qui abîment les entrepreneurs, il y en a d’autres qui les révèlent. La richesse humaine du parcours n’est pas forcément liée à la réussite des projets.
En tous cas, en plus d’une certaine dose d’inconscience commune à tous les entrepreneurs, il me semble nécessaire lorsque l’on monte une boite de s’interroger sur pourquoi on y va.
Quelques questions au hasard, sans vouloir casser l’ambiance :
- Gagner plus d’argent ? Dans l’environnement des startups je connais plus d’entrepreneurs en galère de tunes que de gens qui ont fait fortune.
- Etre reconnu ? Par qui, pourquoi ? Ce sentiment se comble-t-il un jour ou jamais (le cas échéant, il est peut-être plus efficace de consulter) ?
- Etre libre ? oui, le fait de pouvoir choisir ses contraintes peut laisser entendre un moment qu’on est libre.
- Créer, innover ? Est-ce qu’on innove vraiment ? Est-ce que ça sert à quelque chose / à quelqu’un ?
- Apporter une solution à une problématique. C’est le début du pitch lorsque l’on veut gagner plein de tunes, mais ça peut être aussi une fin en soi.
- Etre socialement utile, contribuer à l’amélioration de la vie des gens.
Euh, tu en as parlé à ton psy ? - Se construire, se bonifier. Reviens quand tu seras plus grand coco.
etc …
Moi par exemple, aujourd’hui, mes motivations sont clairement :
3. Fondamental pour moi, même si l’entreprenariat me fait supporter un niveau de contraintes que je n’accepterais jamais si j’étais salarié (un peu guedin isn’it ?).
6. Ca me réchauffe. C’est grave docteur ?
4. Je suis curieux et aime bien les nouveautés, même si je suis moins créatif que des gens que j’ai pu rencontrer.
Chacun sa route et ses rêves mais il me semble important en tous cas de bien comprendre ses aspirations afin de les vivre au mieux.
Je précise qu’avec le temps, les déterminations d’un entrepreneur évoluent.
Il y a aussi un sujet important sur les compétences.
C’est un peu exceptionnel qu’un entrepreneur puisse être bon partout.
Il faut être capable d’identifier ses forces, ses faiblesses et savoir s’entourer des gens qui vont subvenir à ses propres manques.
Il y un sujet fort sur la pugnacité, la persévérance de l’entrepreneur.
Ca me fait penser toujours à un citation de Marc Aurèle,
“Oh Dieu, donne-moi le courage de changer les choses que je peux changer, la sérénité d’accepter celles que je ne peux pas changer, et la sagesse de distinguer les premières des secondes.”
C’est super important d’aller loin dans sa détermination à construire son business parce que bien souvent le succès est lié à la persévérance.
Mais à rester trop longtemps sans transformer, on se crame. Il y a un moment où c’est sage d’abandonner. Ce point d’inflexion est complexe, il détermine la limite fine entre une juste persévérance et la vraie connerie (je me permets de le dire car j’y suis passé). Et puis il y a un moment (privilège de l’âge) où on perd le goût pour les combats inutiles, et on est meilleur pour les identifier.
Il y a une anecdote qui illustre bien mon propos : un « concours » de Bulldogs a lieu au Moulin Rouge à Paris début du XXe. Chaque Bulldog doit s’accrocher par la mâchoire à une pale du Moulin et celui qui tient le plus longtemps a gagné. L’avant dernier chien finit par lâcher, le propriétaire de l’autre est tout content, son chien est le meilleur ! Il rappelle son compagnon victorieux, il ne descend pas… Il est mort, accroché par la mâchoire à une des pales du Moulin.
Un peu hard l’exemple, mais parlant (Rires).
L’incubation, ça a du bon ? Partage-nous ton expérience avec Paris&Co
Déjà on s’est rencontrés, et rien que pour ça l’incubation a du bon ! (Rires)
Tu sais à 63 ans, c’est quand même assez easy d’être un vieux con (peut-être parce qu’on a toujours vachement plus envie de ressembler à un jeune con qu’à un vieux sage).
C’est donc d’autant plus important d’avoir des environnements qui te challengent un peu. Certes, c’est parfois irritant mais au global c’est très précieux. Ça te permet d’être à nouveau dans une posture apprenante, à l’écoute, tu remets en question tes certitudes, ça te rend plus vivant. Ca te permet de mieux voir en quoi le monde d’aujourd’hui n’est pas tout à fait le monde d’hier.
L’incubation est aussi une réponse à la solitude de l’entrepreneur. Entreprendre c’est compliqué, et ton entourage ne te comprend pas toujours. Là tu as des référents (Amokrane nous concernant), et des pairs avec qui échanger. Un eco système nourrissant.
Et puis, hors des rencontres et évènements, il y a aussi des éléments un peu techniques. Moi par exemple, j’arrive bien à parler à une ou deux personnes, mais je suis très mauvais pour pitcher devant une assemblée.
Paris&Co me pousse et me permet de progresser sur ce sujet.
Cela a parfois du bon de rentrer dans un format un peu plus cadré. Ce n’est pas toujours porteur de création et d’innovation, mais ce cadre permet de se décharger de pas mal de contraintes ou d’éléments polluants pour juste se concentrer sur ce pourquoi on est bon.
Eux nous donnent des moyens, nous font rencontrer plein de gens, entrepreneurs, experts, des DRH de grosses entreprises ou du monde institutionnel.
Ca aussi, c’est Grave Cool ! 😉
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